Lt colonel F.E. GRIIGS

 

J’étais en garnison dans le génie au tréport. Déjà sur les routes, un flot de réfugiés Hollandais, Belges et Français traversaient la ville avec toutes sortes de moyens de transport.

 

Je reçus des ordres pour me diriger vers Dieppe avec une remarque laconique « je ne pense pas que vous y parviendrez ». Après plusieurs détours nous nous sommes présentés pour prendre du service.

Quelques jours plus tard, je fus détaché pour la rochelle pour l’ensemble des hôpitaux. A ce moment là, de nombreuses voitures de réfugiés étaient abandonnées sur les routes car elles n’avaient  plus d’essence. Je réussi avec un interprète et deux autres officiers à récupérer une voiture avec le plein, ensuite nous roulâmes dans la direction de la Roche Bernard.

 

Le vendredi 14 juin 1940, je me rendis à La rochelle où l’on nous demanda d’établir un rapport sur la faisabilité d’une base opérationnelle pour toutes les branches de nos services. Le dimanche 16 juin, à 10 heures ; la marine nous informa que l’entrée du port de La rochelle pouvait être trop facilement bloqué par des mines ennemies. Nos plans n’étaient donc plus applicables.

 

Après un court séjour à La Roche Bernard, j’appris que la France avait capitulé, et que toutes les troupes britanniques devaient être évacuées le plus tôt possible. Donc je mis en route pour Saint-Nazaire afin d’y être le lundi aux premières heures de la journée. Au port l’on nous informa qu’il était impossible d’embarquer notre matériel.

J’embarquais avec plusieurs hommes du génie sur un remorqueur.

 

A 8 heures, nous avons embarqué sur un transporteur de troupes. Mais déjà nous trouvions le Lancastria lourdement chargé de soldats ; chaque m² sur les ponts, cabines, cales étaient rempli d’hommes. Tous étaient dans des états fatigués, totalement épuisés. Aux environs de midi, le déjeuner fut servi. Au milieu du repas, j’entendis des explosions qui furent tremblé le navire. Aussitôt je me précipitai sur le pont pour apercevoir la queue d’un bombardier allemand en piqué disparaître dans les nuages. Je possédai déjà une ceinture de sauvetage. Très peu d’hommes possédaient des gilets de sauvetage, peut être 1 sur 10.

 

La 1ère bombe tomba sur le navire, je pense qu’elle fut tombée à l’avant, la seconde tomba au travers de la salle à manger, jusqu’à la cale ; à ce moment j’étais à mi-chemnin vers la porte du salon, je pus voir à travers le plafond l’impact de la bombe. Je fus projeté sur le pont, les alarmes et sirènes du navire hurlaient.

 

Le bombardier ennemi revint et fit un cercle autour de nous, je pense qu’il lâcha deux autres bombes qui nous ont manqué de près. Le navire commença sérieusement à donner de la bande ; les soldats commençaient à sauter à la mer. Les bombardiers revenaient les mitrailler avec rage. Je ne ressentais pas de panique mais juste une agitation. La gîte était déjà très importante pour larguer les canots de sauvetage.

 

Je grimpai sur le pont dont l’inclinaison était maintenant de 45°. Les rambardes touchaient l’eau, la majorité des troupes étaient dans l’eau. Je décidais qu’il était temps de quitter le Lancastria. Je repérai un endroit où rien ne pouvait me blesser lorsque le Lancastria chavirerait, je glissai du pont pour rejoindre l’eau. La mer était calme, je nageai les premiers mètres aussi vite comme je ne l’avais jamais fait.

 

Lorsque je me trouvais en dehors de la zone de succion du navire, je revis l’avion ennemi revenant sur nous. Je m’éloignai du champ de tir aussi vite que je pus, j’étais soulagé de voir des jets d’eau à côté de moi. J’ai vécu cette scène deux fois. Le navire se vidait de son mazout, j’étais noir de la tête aux pieds. Je me retournai vers le Lancastria, je le vis la quille en l’air avec de nombreuses personnes accrochées dessus.  

 

Je vis un bateau de pêche français, je me mis à nager vers lui. Je vis une quantité de poissons assommés par les explosions. Quand je parvins au bateau, de nombreuses mains se tendirent vers moi afin de m’aider pour monter à bord. Mais j’insistai pour qu’ils prennent en premier d’autres hommes complètement nus et sans ceintures de sauvetage. A bord un triste spectacle m’attendait, des hommes allongés nus, certains blessés, d’autres hystériques et d’autres silencieux. J’ai vu un homme nu et noir de mazout plonger à côté du bateau pour porter assistance à un homme en difficulté ; il le ramena et fut hissé à bord. Il le fit 5 fois, c’était un excellent nageur, mais personne ne savait quoique ce soit à son sujet.

 

Ensuite il fut évident que nous ne pouvions récupérer d’autres soldats, nous fîmes route sur le navire ‘Oronsay’ qui était mouillé à proximité de nous. Je ne réussi pas avec de l’eau chaude à ôté une partie du mazout sur mon corps. Ce n’est que plus tard qu’un steward m’offrit un bain rempli d’eau chaude, la réaction se fit sentir.

 

Suivant ma propre estimation, nous étions pas loin de 9000 soldats à bord. Le vendredi suivant le naufrage, nous sommes allés faire notre rapport au ministère de la guerre