Les enfants Belges

 

Un  officier du Lancastria se trouvant en bas de la coupée raconte : le Lancastria était entièrement complet, il ne pouvait plus embarquer de soldats ou de civils, malgré qu’un dernier destroyer s’approchait il était impossible de prendre plus de personnes à bord, en fermant les sabords j’entendis le mécontentement provenant de la passerelle, mais nous ne pouvions faire autrement. Il poursuivit sa route sur le transporteur de troupe Oronsay.

Lors de mon retour  à mon poste  j’aperçus des enfants remontant la coupée.

 Ils devaient avoir dans les 10 ans, un frère et une sœur. Tous deux possédaient les mêmes yeux ainsi que des cheveux dorés. Ils provenaient de Belgique, un remorqueur les avaient transféré de Saint-Nazaire vers le Lancastria  avec d’autres civils. Ces enfants étaient seuls et semblaient bien fatigués, une toilette semblait bien nécessaire. Ce qui me serra les entrailles, c’est la vue de deux chiens qu’ils serraient contre eux. Je courus dans leur direction car il nous était impossible d’embarquer ces chiens, le règlement était strict et aucune dérogation ne pouvait être émise. Arrivé à leur hauteur je leur dis : nous ne pouvons pas embarquer ces chiens, il faudra les laisser dans le remorqueur !! Avec un calme ils me fixèrent et ne comprenaient pas ce que je leurs signifiaient. Pour m’expliquer, j’arrêtais une vieille dame anglaise qui parlait très bien le français, ce fut très dur pour moi de vouloir faire appliquer le règlement.  La dame parlait aux enfants avec beaucoup de douceur. Je vis le visage du petit garçon se transformer, ses lèvres se mirent à trembler, ses yeux se remplirent de larmes, il ne répondit pas, il se mit à serrer son chien contre lui. Ce petit garçon commença à parler, sa sœur serrait son petit chien et ne disait rien. La dame anglaise me traduisit : ces enfants sont belges, ils sont venus à pieds de Bruxelles, traversant toute la France avant l’arrivée de l’armée allemande.

-          oui, oui, lui  répondis je. Expliquez leur que nous les mettrons en sûreté mais il nous est impossible d’embarquer ces chiens.

-          Les chiens les suivent depuis Bruxelles, ils disent qu’ils ne peuvent s’en séparer maintenant.

Puis un moment de silence, je ne pouvais plus regarder le petit garçon dans les yeux, je me sentis fondre sans plus aucun argument.

-          bon, qu’ils embarquent, il me semble qu’il existe des entorses au règlement !

 Une heure plus tard, le bombardement aérien arrive, les deux enfants belges périrent avec leurs chien dans la tragédie.