Témoignage du commandant GW TONKIN

 

A ma connaissance la perte du Lancastria fut la plus grande tragédie de mer et, au meilleur de ma connaissance, aucun rapport officiel au sujet du naufrage n’a été édité. En effets, bien que les faits aient été immédiatement connus aux allemands, les nouvelles de sa perte n’ont pas été faites au public avant le 26 juillet 1940 en Angleterre. A l’heure de l’occurrence j’étais un pionner commandés par le major DG Carr. Nous sommes arrivés à Rouen le 8 juin, vraisemblablement pour l’évacuation, mais nous avons rapidement reçu des instructions pour prendre une position de défense à Neubourg, la défense se composant de la 46 A.m.p.c. avec une compagnie Française la 75 muni d’un couple de mitrailleuse. Cependant nous n’avons pu tenir et avons atteint Lisieux et par la suite nous sommes arrivés à Nantes.

 

Mes mémoires de Nantes ont deux souvenirs, un étant la stupéfaction que la ville  semblait continuer à vivre de la même manière que si les allemands étaient toujours l’autre côté de la ligne de Maginot ; et l’autre une appréciation mesquine de l’efficacité d’un caissier qui a réussi à débiter mon compte de 500 francs le 14 juin ! Le jour suivant, nous avons accédés à un terrain d’aviation près de Saint-Nazaire et là nous avons passés la journée ; la soirée suivante où, enfin nous avons reçu des ordres pour marcher sur les docks de Saint-Nazaire. Une offre de chargement venait juste d’arrivée quand j’ai amené la compagnie à bord, seulement il était dit que tout était pratiquement plein et donc il n’y avait plus de sortie pour cette nuit là. Je suis parvenu à rester avec un sergent et 15 O.R.S. qui eux au moins ont été sauvés de la catastrophe du jour suivant.

 

La nuit nous campons dehors sur le quai et nous attendions la première offre du matin. Beaucoup d’offres ont rapidement suivies et il n’a pas fallu longtemps pour que le Lancastria ait entre 5000 et 6000 personnes à bord. Néanmoins nous restions toujours à l’ancre bien que les avions ennemis aient fait deux vols de reconnaissance au-dessus de nous dans le début de l’après-midi. Quand l’attaque réelle est faite, à environ 3.45 p.m (15h45), j’étais juste allé à ma cabine que je partageais avec mon O.c., ainsi je n’ai jamais pu confirmer ou réfuter l’impression très générale que la bombe est descendue dans la cheminée du bateau. La force de l’explosion était terrible. Le bateau a pris presque immédiatement une gîte lourde sur l’avant, j’étais dans l’impossibilité de faire n’importe quoi pendant que l’eau affluait, et tout était dans un désordre absolu. La perte de la vie seulement dans l’explosion doit avoir été très lourde. J’ai réussi à être en contact avec le capitaine Sim et CSM (devenu commandant plus tard) FW Hall. Le dernier a joué de malchance et d’obtenir une cheville disloquée, mais nous pouvions atteindre le pont supérieur. Par ce temps le bateau descendait rapidement et nous trois nous nous sommes retrouvé dans l’eau.

 

J’ai atteint un canot de sauvetage retourné, il y avait une certaine petite distance et grâce à l’aide d’un sergent, qui était déjà là, j’étais capable de m’accrocher à lui et réussi à embarquer, mais l’huile épaisse sur l’eau a fait que nager était presque impossible et a sans doute contribué à la perte de nombreuses vies. L’avion ennemi traînait toujours dans les environs, il y avait beaucoup d’hommes dans l’eau. Heureusement l’arrivée de la RAF qui patrouillait a réussi à le chasser. Je voudrais rendre un hommage particulier à l’excellent moral des hommes qui étaient dans l’eau avec moi pendant plus d’une heure, et les travaux de délivrance menés à bien par les petits pêcheurs français et de nos propres destroyers qui ont été splendides.

 

J’ai été par la suite pris par le destroyer Hightlander et je n’oublierais jamais la bonté de tout l’équipage. Ils ne pouvaient pas faire mieux pour nous. Toute la perte du Lancastria m’a été donnée par un officier de personnel, à bord du quel il était. A ma propre compagnie la perte était approximativement de 50/100 et je crois que c’était assez général. Au renvoi en Angleterre j’ai été invité, par GHQ le deuxième échelon, à soumettre un rapport en l’occurrence au bureau de guerre, et a transféré ma copie au C.A.M.P.C. On a dit que Coys, en plus de mes propres amis étaient à bord ainsi que les Cies 28, 50, 62, 67, 73.

 

Dans le cas ou je diffuse mes souvenirs de cet évènement tragique je demanderais l’indulgence des lecteurs qui étaient sur ce bateau infortuné et dont la connaissance et le mémoires sont probablement bien meilleurs que mes propres.