Témoignage de Monsieur Alfred Lockyer

 

Alfred est né en 1912 à Greenwich, l’année du Titanic. Ses parents étaient des immigrants italiens de Salerno, ils avaient rejoint le royaume Uni vers 1898 , ils s’étaient lancés dans la restauration. Le père d’Alfred fit la première guerre mondiale dont son régiment était « The Glotious Devons ». Après ses études le jeune Alfred voulait continuer et entrer à l’école des beaux-arts mais la famille lui mettait la pression pour rejoindre les affaires familiales qui consistait à faire des glaces italiennes.

 Il continua cette vie jusqu'à l’age de 28 ans (1940), ensuite il voit une occasion de faire une pause et rentre dans l’armée anglaise. Il est enrôlé à Croydon et continua sa formation à Kennington. La qualification d’Alfred dans l’armée était l’approvisionnement de nourriture, après sa formation il entra dans le NAAFI et se retrouva à Calais parmi la BEF (force expéditionnaire Britannique).

 A calais Alfred est responsable de la NAAFI et il se retrouva en Hollande, mais la guerre faisait que la BEF battait en retraite et que beaucoup d’hommes revenaient au Royaume-Uni, ils étaient évacués de Dunkerque. L’unité d’Alfred recule vers le Sud en passant par Paris pour rejoindre Nantes. De cette ville il y a de nombreux bombardements ainsi que des attaques aériennes constantes, ensuite on nous demande de faire route sur Saint-Nazaire avec comme espoir d’embarquer sur un bateau afin de  rejoindre l’Angleterre. Les allemands approchaient du port et les bateaux embarquaient toujours les troupes malgré les grandes difficultés et  dangers.

 Alfred arrive sur le quai pour un éventuel embarquement sur de petits bateaux faisant la navette entre Saint-Nazaire et le Lancastria, le paquebot se trouvait au large des Charpentiers (phare), à cet instant il ne ressentait pas de panique mais des milliers d’hommes se bousculaient pour pouvoir embarquer,  on ressentait une certaine inquiétude parmi ces hommes.

 En avant de la file d’attente un officier RN cria à son groupe d’embarquer à bord d’un chaland qui devait rejoindre le Lancastria mais étant plein il changea de route pour rejoindre un autre paquebot de grandes lignes transformé en troopship, l’Oronsay, cet officier ajouta que nous devions ne pas nous inquiéter car il y avait abondance de navire pour nous ramener en Angleterre et c’est pour cette raison que les bateaux ne devaient pas être surchargés ce qui rassura beaucoup d’hommes se trouvant à bord. Ce changement d’itinéraire n’était sans aucun doute pour sauver la vie d’Alfred.

 A cet instant des bombardiers ennemis apparurent, un mélange de Dormiers et Junkers, ils commencèrent à bombarder tous les bateaux qui se trouvaient dans le port. Le navire hôpital le Somersetshire ne fut pas épargné du bombardement lors de sa sortie en mer, mais n’a pas été frappé. Aucun sac ou kit n’était autorisé pour embarquer, tout devait rester à quai ou jeté à l’eau.

 Les premières bombes frappent l’Oronsay à 14h10, elles endommagèrent la passerelle ainsi que l’équipement de navigation ce qui retarda de quelques heures le départ du bateau. Ensuite il y a eu de nombreux bombardements, de nombreuses bombes tombaient dans l’eau.

 Alfred se souvient : ‘en réalité j’ai vu le coup direct sur le Lancastria ainsi que la bombe suivante qui est allée directement dans la cheminée, le bateau s’est retourné, je pouvais voir les troupes agonisantes sur le flanc du navire, quelques soldats emmenaient leurs chaussures avant de plonger dans l’eau’, environ 50 hommes se sont accrochés à l’hélice du paquebot en chantant ‘They’re always be an England’. A cet instant j’étais à 200 yards du Lancastria quand il a fini de coulé pour ne jamais être revu de nouveau. La mer était remplie d’homme criant et luttant pour être sauvé, c’était horrible !!!!

 A bord de l’Oronsay les réparations se poursuivaient à la passerelle, nous tirions des hommes de l’eau couverts d’huile, nous restions jusqu’à la nuit afin de récupérer un maximum de naufragés, un des hommes qui fut sauvé était mon ami Bertram Twamley RASC, un homme très chanceux. Dans la soirée nous mettions en route pour Plymouth. A bord on nous donna un repas composé de poisson et de pain, ce fut très bon.

 Arrivée à Plymouth on nous interdit l’accès au quai, et de nous rendre plus au nord à Oban, notre capitaine refusa et nous débarquions enfin à  Plymouth. A terre se trouvait l’armée du salut qui nous donna des gâteaux avec du thé, Alfred n’oublia jamais la gentillesse  de ces gens.

 Alfred rejoignit son régiment et reviendra en France en 1944 à Calais. Après démobilisation en 1946, Alfred  retourna à Londres et géra les Cafés pour son père jusqu’à sa retraite. Il vit maintenant sur la côte Sud près de sa fille, mais jamais il n’oubliera ces moments tragiques du Lancastria.

 

Juin 2005