Capitaine N. FIELD Service de santé de l’armée (médecin militaire)

 Lorsque je mis les pieds à bord, on me donna un gilet de sauvetage qui me sauva la vie. La journée était resplendissante, je descendis pour déjeuner en laissant mon équipement dans ma cabine. J’ai bien déjeuné, mais bientôt nous sentîmes l’explosion d’une bombe. Elle n’était pas pour nous. J’ai su plus tard qu’elle était destinée pour le City Of Mobile qui se trouvait à l’ancre. Après cette alerte le capitaine de ce navire décida de virer son ancre et fit route.

 Nous, sur le Lancastria, nous étions toujours au mouillage, j’étais malade de peur. Je recherchais un coin tranquille sur le navire. Je me retrouvais à l’extrémité de la poupe. Je fis une remarque au maître d’arme au sujet des canots de sauvetage qui étaient toujours saisis, il me répondit « ne vous en faîtes pas, nous mettrions une bonne vingtaine de minutes pour sombrer » Ce fut vite prouvé du contraire.

 Allongé sur le pont, j’entendis des soldats crier « regardez ! Le voilà ! » Et d’autres hommes criaient « le voilà qui vient » L’avion sortait du soleil et piqua sur nous. Les soldats essayaient de guider le canonnier, mais celui-ci répondit : « où, où !! »

 La bombe tomba sur le Lancastria, suivit un nuage de fumée et  des éclats se mirent à pleuvoir. L’étrave s’enfonçait, le pont s’inclinait. Au fur et à mesure que l’avant s’enfonçait et plus j’allais vers le haut. Je pensais aux troupes à l’intérieur du navire. Je vis un canot qui descendit dont l’avant qui descendait plus vite que l’arrière ; tout le monde fut projeté à la mer, une dame âgée tomba à la mer comme une « prune », elle poussa un cri terrible, mit sa tête sous l’eau et se noya.

 Tout le monde à bord, jetait par-dessus bord, tout objet pouvant flotter ; mais le courant eu raison d’eux car le navire était  au mouillage, ils dérivaient sur l’eau. Déjà sur l’eau, des corps, du mazout, des corps munis de gilet de sauvetage flottaient sur l’eau. Je voyais les ponts bourrés de soldats chargés de leurs fusils et de leur paquetage attendant un miracle.

 La gîte du navire devint importante, il s’enfonçait par l’avant ; un soldat arriva sur moi et me dit « vous feriez mieux de sauter maintenant, le bateau coule », ensemble nous escaladions la lisse et nous sautâmes les pieds en avant de 70 pieds environ. Je me suis retrouvé sur le côté, en refaisant surface du sang sortait de ma gorge comme un tuyau, le collègue qui avait sauté avec moi, m’aida puis s’éloigna me croyant fichu et je lui criais « j’ai eu la tuberculose ». Je réussis à nager jusqu’à être environ 200 yards du navire, loin des corps qui se débattaient.

 J’ai, alors, vu ce grand navire qui commençait maintenant à chavirer, il chavira doucement. Jamais je n’oublierais ces milliers de soldats s’agrippant au flanc de la coque, glissant vers la quille et tombant dans l’eau en poussant des cris perçants ou en criant et hurlant. Tandis que le boche mitraillait les hommes se trouvant sur la quille, leurs cris s’arrêta pour être remplacés par « Roll out the Barrel »

 Le chant s’arrêtait lentement tandis que la quille s’enfonçait ; beaucoup d’hommes périrent, ensuite ce fut le silence. Je me suis accroché à un canot rempli, mais ils décidèrent de me hisser à bord. Ensuite, nous embarquèrent sur un bateau et nous sommes arrivés à Plymouth la nuit suivante.