Caporal, W.H. WILSON

 

Lors de la déclaration de la 2ème guerre mondiale, je fus rappelé à 44 ans, je fus parmi les premiers à venir en France avec la boulangerie de la compagnie n°1. J'étais à Bolbec lorsque nous recevions les ordres de plier bagages. Nous avons fait retraite durant plusieurs jours, passant par Redon, pour arriver à Saint-Nazaire où nous attendions notre tour pour embarquer sur un destroyer qui nous transféra sur le Lancastria. Nous avons été les derniers à embarquer. J'ai entendu l'officier dire que c'était un record d'avoir 7052 personnes embarquées. Je me suis frayé un chemin vers le pont et je me suis assis pour me reposer, placé contre le fronton de la passerelle. J'étais loin de l'endroit où la bombe allait tomber. Aussitôt après le navire roula sur un bord, se redressa et roula de l'autre côté. Je voyais et entendais des hommes chanter "Roll out the barrel" et d'autres sauter dans la mer pour nager. Maintenant le Lancastria avait une fâcheuse gîte. A ce moment là, je me balançais presque dans l'air. J'ai jeté un regard vers le bas. J'ai vu des hommes pris au piège sur l'étrave, sans aucune possibilité de s'en sortir, c'était l'enfer, jusqu'à ce que l'eau monte et les emporte avec elle. J'ai souvent souhaité que quelqu'un s'en soit sorti, mais j'étais dans l'impossibilité de leur venir en aide. Je me suis haussé sur la rambarde, ensuite je m'en suis dégagé pour m'asseoir sur le flanc du navire. J'étais juste à enlever ma 2ème chaussette quand l'eau m'a atteint, j'ai prié et me mis à penser à ma femme ainsi qu'à mes quatre enfants, et je suis allé dans l'eau. J'apercevais un havresac qui semblait gonflé. Celui-ci répondait tout à fait à ce que je souhaitais, mais un chien assez gros essayait de s'y agripper en donnant dessus des coups de pattes. Résolu, j'ai cherché autre chose tout en m'agrippant à ce havresac. Nous étions tous couverts de mazout. Certains criaient à l'aide, j'ai alors remarqué un canot de sauvetage retourné, cinq ou six hommes étaient à califourchon dessus. J'ai lâché le havresac, j'ai battu des pieds, mais le canot semblait s'éloigner. Je persévérais, j'étais juste sur le point d'arriver lorsqu'une main tomba sur moi et qu'une voix me dit : "viens mon pote, t'as réussi". Ensuite, nous avons dérivé vers le large. Un pétrolier envoya un canot qui nous tint le long de son bord. Il nous transférèra sur un navire qui avait déjà plusieurs survivants.

 Ensuite nous débarquions à Falmouth.