E. Levett

 

J'étais adjudant-chef dans la force Beauman composée de soldats réservistes. J'embarquai sur le Lancastria aux alentours de 11 heures le 17 juin 1940. Aussitôt je m'aperçus que ce navire allait être lourdement chargé. Il se remplissait de troupe aussi vite qu'on les transférait à partir de l'embarcadère. La matinée était nuageuse et fraîche, ce n'est que l'après-midi que le soleilfit son apparition. Aux environs de 15 heures, le capitaine du Lancastria nous signala qu'il y avait 5000 hommes à bord et qu'il ne pouvait plus en embarquer d'autres. A 15h45, quatre bombes frappèrent le Lancastria, la seule solution était "chacun pour soit". Les ponts étaient recouverts de mazout, de sang et de corps… je me souviens d'avoir regardé le pont et m'être demandé d'où venait tout cet enfer. Il y a eu des tentatives pour mettre à l'eau les embarcations de sauvetage, mais la gîte du navire rendait la manœuvre impossible. De nombreux soldats se dévêtirent, plongèrent ou sautèrent dans une mer mazoutée provenant des soutes du navire qui avaient explosée. Beaucoup glissèrent le long des cordes, mais n'étant pas experts, ils se brûlaient les mains et les jambes. Etant assez bon nageur, j'ai plongé à partir de la lisse et ai nagé aussi loin du navire que je pus. Le Lancastria se coucha et s'immobilisa sur le fond avec des centaines d'hommes de troupe sur sa coque. Après avoir nagé 5 heures, je fus récupéré par le HMS Havelock qui était rempli de survivants. Lorsque j'étais dans l'eau, j'entendis certain survivants chanter "Roll out the barrel" ou "Nous irons tous laver notre linge sur la ligne Siegfried" ou d'autres voix chantaient "il y aura toujours une Angleterre". Au moment où le Lancastria fut touché, je fus projeté contre une cloison et perdis connaissance. Ce qui plus tard m'a causé de grands troubles.