Mme Gadet
Le 17 juin 1940, j’avais 17 ½ ans, j’habitais rue Ferdinand Garnier à saint-nazaire, j’exerçais comme profession couturière chez M. Berra, entreprise de voilerie qui se trouvait sur le port de saint-nazaire, je suis originaire de Guérande ville située à environ 20 km dans l’ouest de Saint-Nazaire
L’après midi du 17 juin 1940, par une belle journée ensoleillée nous étions avec ma sœur et des amis civils à nous promener le long du rivage de saint-nazaire. Ce jour là il se trouvait beaucoup de soldats Anglais, ça partait du collège Saint Louis pour rejoindre le port (environ 1.5 km), pour moi et ma sœur qui étions jeunes filles nous trouvions cela amusant de voir tous ces jeunes hommes qui semblaient content de partir ( c’est comme ça que nous le ressentions ), ils nous paraissaient pas du tout catastrophés ni paniqués mais par contre ils étaient très fatigués, tous ces jeunes soldats qui n’avaient guère plus de 20 ans étaient totalement usés, ce qui nous avait beaucoup surpris c’est de voir un nombre aussi important de militaires arrivés en si peu de temps à Saint-Nazaire.
Dans l’après midi du 17 juin 1940 nous avons aperçu une forte explosion au large de Saint-Nazaire, ce fut un bruit incroyable, un soldat qui se trouvait à coté de ma sœur a plongé sur elle en la plaquant au sol pour la protéger, nous avons eu très peur, aussitôt nous sommes rentrés chez nous. C’est uniquement le lendemain que nous avons appris qu’il y avait eu un navire anglais bombardé par un avion allemand. Mais nous n’avions absolument aucune autre information, je n’ai jamais su ce qui s’est réellement passé car personne ne parlait de cette catastrophe, les nazairiens ne connaissaient pas le nombre impressionnant de morts suite à ce bombardement. Le 18 juin nous sommes allés travailler comme si de rien ne s’était produit, ensuite arrivaient 4 années de guerre et de malheur ce qui n’a pas favorisé le souvenir de ce naufrage.
Les Nazairiens avaient peur de l’arrivée des allemands approchant Saint-Nazaire, tout le monde pensait au départ précipité du Jean Bart qui devait absolument partir avant l’arrivée de l’ennemi (un des plus gros navire de guerre construit à Saint-Nazaire), nous devions nous préparer à vivre des moments difficiles, par la suite je n’ai jamais entendu parler des corps qui arrivaient sur la côte.
J’ai poursuivi mon travail de couturière à la voilerie de M. Berra, je confectionnais des voiles pour les navires et c’est dans les années 1940 /41 que l’on s’est mis à travailler sur le port au pied de la grue « la grand-mère ». Notre travail consistait à réparer des bouées couronnes usagées voir déchirées, il y en avait un nombre incalculable, je m’en souviens comme si c’était hier : j’avais réparé des bouées de sauvetage du paquebot Lancastria.
En mars 1943 nous sommes allés nous réfugier à Saint Etienne de Mont Luc car à Saint-Nazaire c’était invivable, en 1943/44 il ne restait à Saint-Nazaire au niveau autorité que 5 pompiers et 2 policiers dont mon père, par la suite la vie a été très rude et c’est vrai que depuis ce 17 juin 1940 nous n’avions pas réalisé l’ampleur de la catastrophe du lancastria.