Témoignage de M. René GEORGES
Le 17 juin 1940 j’avais 18 ans, j’habitais au 16 rue de Pornichet à Saint-Nazaire, je travaillais au chantier de Penhoët à l’atelier de serrurerie, je possédais un C.A.P. de tourneur.
La 1ère fois que j’ai aperçu les anglais c’était le 3 septembre 1939, ils arrivaient en France avec du matériel de guerre, ces soldats ne faisaient que transiter à Saint-Nazaire, ils venaient tous pour ainsi dire en bateaux s’amarrant dans les bassins du port.
J’ai entendu l’explosion du navire Lancastria dans l’après midi du 17 juin 1940 mais ce n’était malheureusement pas les premières explosions car dans la matinée il y en avait eu deux autres et personnes à Saint-Nazaire ne se doutait de cette catastrophe. Ce n’est que dans la nuit que nous en avons su l’ampleur en voyant arriver par bateaux (baliseur, bateau pilote, remorqueurs, chalutiers et bac) des survivants du Lancastria rejoignant l’hôpital anglais rue de Maude, cette rue croisait la rue de Pornichet donc à proximité de chez moi.
Plusieurs de mes amis et moi-même, environ une dizaine de personnes avons passés une bonne partie de la nuit à nettoyer les jeunes corps des soldats munis de chiffon et de beurre pour enlever le fuel qu’ils avaient sur eux, ils en avaient partout sur eux aussi bien au niveau de la bouche que dans les narines, je n’ai moi-même soigné que des militaires. Toute la nuit ils en arrivaient à l’hôpital avec de nombreux blessés graves dû aux explosions.
L’hôpital anglais voulait éviter de les garder car les allemands devaient arriver 3 jours après par le pont de Méan, voulant récupérer les ports de la façade atlantique, donc tous les blessés étaient évacués en camion pour essayer à nouveau de repartir pour l’Angleterre. Le lendemain matin il restait peu de rescapés, sauf un grand nombre de polonais qui attendaient un éventuel embarquement.
Je pense que cette tragédie n’a pas été connue des nazairiens en raison que personne ne se doutait de l’ampleur de cette catastrophe et personne ne se doutait également du nombre impressionnant de victimes. Le lendemain le 18 juin 1940 tout le monde à Saint-Nazaire vivait un peu normalement et beaucoup de gens quittaient la ville. Les anglais ne désiraient pas parler de ce transatlantique qui venait de se faire bombarder de plus il n’y avait pas de français à bord, par la suite je pense que ce sont les autorités qui devaient s’occuper des corps arrivant sur la côte.
Par la suite nous avons eu des périodes très difficiles avec les bombardements, tout le monde c’était sauve qui peut. A Saint-Nazaire il y a eu beaucoup de morts, je suis moi-même partis en 1942 de Saint-Nazaire, les allemands n’ont jamais parlé du Lancastria. Après il y a eu le commando du Campbeltown, les allemands tiraient partout même entre eux à travers les rues, tous les soirs il y avait des alertes et lors de l’opération Chariot (Campbeltown) nous sommes restés plusieurs jours dans les abris avec interdiction d’en sortir et ce n’était surtout pas le moment.
C’est vrai que le naufrage du Lancastria est resté de côté mais à Saint-Nazaire il y a eu tellement de morts et de déportés en Allemagne, ensuite il y a eu toute la reconstruction de la ville et ça n’a pas été une partie de plaisir