Témoignage de M Bertho de Pornichet
Suite à la diffusion du documentaire sur la tragédie du Lancastria réalisé par M Christophe François sur France3, M Bertho pris contact pour apporter son témoignage
Né en février 1931, monsieur Bertho raconte : j’avais donc un peu plus de 9 ans le 17 juin 1940. Ce jour-là, je revenais avec mon frère Michel, du quartier de Sainte-Marguerite (15 km de Saint-Nazaire environ) ; plus précisément de la villa kerys. Comme chaque semaine de la « belle saison » nous étions chargés par notre grand-mère d’apporter, dans les familles bourgeoises du secteur, le linge de maison qu’elle avait lavé et repassé dans la semaine. Naturellement nous devions rapporter le linge sale en poussant une vieille brouette de bois, insouciants que nous étions .
Lors de notre retour, par la route qui borde la mer, nous avons été intrigués par le bruit des nombreux avions qui tournaient au-dessus de nos têtes ; sans pour autant être conscient du danger qui nous menaçait.
Arrivés à la hauteur de l’avenue Paolini, où nous habitions, nous apercevions au bord de la plage de Bonne Source, un groupe de personnes qui regardaient vers le large. Laissant la brouette et son chargement, nous nous sommes précipités pour assister au « spectacle ». C’est alors que nous avons découvert toute une flottille de bateaux, immobiles sur la mer, situés entre le phare des Charpentiers et l’île de Pierre Percée ; tout autour des geysers d’eau et des avions qui arrivaient par vagues successives.
Les réactions des gens présents étaient : « pourquoi restent-ils là, qu’attendaient-ils, pourquoi ne prenaient-ils par le large ? »
Et tout à coup, un avion piquat, puis une terrible explosion et un grand panache de fumée blanche. C’est la dernière image qui est restée gravée dans ma mémoire. Ce n’est que plus tard que nous avons appris qu’il s’agissait du Lancastria.
Les jours, les semaines, qui ont suivi, toutes les conversations des adultes étaient alimentées par ce naufrage. Il était beaucoup question des cadavres rejetés sur la plage à marée descendante. Un voisin, Ferdinand MAHE dit « Pépineau », l’un des rares propriétaires de véhicule automobile, avait été réquisitionné, pour récupérer les noyés, le long de la côte et les amener à Escoublac pour y être inhumés. Les conversations et le climat qui régnait, ne faisait qu’entretenir notre curiosité, à nous les enfants qui étions mis à l’écart de ces affaires d’adultes.
Un jour ou plus précisément un après-midi, le secteur était “ calme ”. Pas un adulte à l’horizon. Avec mon frère, nous décidions d’aller voir et constater par nous même, ce qui se passait sur la plage. Distante de quelques centaines de mètres, nous courions, naturellement, pour perdre le moins de temps possible.
Ce fut bref !!! le spectacle, de ces 3 ou 4 corps de soldats gonflés et bleuis, par un séjour prolongé dans la mer nous a suffit.
A notre retour, un “ comité d’accueil ” nous attendait. Inutile de dire, que ce n’était pas pour nous faire des compliments. Mais nous avions vu ......, et nous commençions à entrer dans le monde des adultes.
Voici le témoignage d’un enfant confronté à la dure réalité de la guerre.